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Il était une fois un jeune tryker qui vivait avec sa famille dans les Anciennes Terres avant même que l’aqueduc qui apportait de l’eau dans le désert existe. Ils vivaient du commerce de l’eau. Ils n’étaient pas très riches et leur caravane était toute petite mais ils étaient heureux de parcourir les étendues d’écorce entre les Lacs et le Désert. Liddie était né sur la piste et y avait passé toutes ses dix premières années. Ce qu’il aimait par dessus tout, c’était se cacher dans les fourrés et bondir au passage de la caravane pour faire peur à sa petite sœur. Il adorait l’entendre pousser des hurlements et se cacher, la tête enfouie dans une peluche pleine de poils dorés, même si après il devait subir les remontrances de sa mère.
Et un jour, alors qu’ils cheminaient pas très loin du pays matis, ils virent arriver une grande troupe d’homins montés sur des mektoubs. Liddie s’était éloigné de la caravane pour se cacher comme à son habitude et ne vit pas ce qui se passait mais il entendit bientôt un bruit de bagarre. Il revint vers les siens tout en restant caché. Mais il était loin et le temps qu’il arrive, la bataille était terminée. Les mektoubiers encerclaient la famille. Son père et son oncle gisaient sur l’écorce et des bandits leur liaient les pieds et les mains. Il allait se lever et révéler sa présence quand il croisa le regard de sa mère. D’un signe, elle le conjura de rester caché et de fuir. Les choses allèrent vite. En quelques minutes, la famille se retrouva ficelée, chargée sur des mektoubs, les tonneaux furent renversés, les vivres éparpillés et la troupe disparut en emportant le mektoub qui tirait le chariot.
Liddie resta là de longues minutes, pleurant de rage et incapable de savoir quoi faire. « Fuis ! » avait articulé sa mère. Mais fuir sans rien, jusqu’où irait-il ?
Alors il rassembla ce qu’il put sans trop se charger et commença à suivre la piste des mektoubiers. Il croisa des troupeaux de shalah au loin mais, surtout, il dût faire des détours pour éviter des hordes de cuttlers et de varinx. Cela rallongeait son chemin et la piste devenait de plus en plus difficile à suivre.
Ses vivres diminuaient. Sa mère lui avait appris à chercher des racines mais il ne voulait pas perdre plus de temps. Quant à chasser, que pouvait-il faire avec son petit couteau ?
Mais il continuait obstinément, refusant de s’avouer vaincu.
Il marchait comme un somnambule et finit pas s’embrocher, tombant la tête la première sur…
Un petit shalah.
Il n’en avait jamais vu d’aussi petit. Le shalah poussa une sorte de grognement. Sa première pensée fut que la créature serait sûrement facile à tuer et lui procurerait de quoi tenir quelques jours de plus. Mais comment tuer une créature dont les longs poils lui évoquaient sa petite sœur ? Il écarta cette idée instantanément. Si la créature n’avait pas bougé, c’est qu’elle devait être blessée.
- « Ne bouge pas petit shalah, je vais te soigner ! »
Parler à voix haute le rassurait pendant qu’il fouillait son sac à la recherche de la trousse de secours que sa mère lui imposait.
- « Voilà, c’est bien tout propre. C’était une vilaine morsure mais avec ce cicatrisant ça devrait aller. Tiens, prends le fond de ma gourde. Ce soir je veille sur toi. »
Au matin, Liddie avait pris une décision. Il devait mettre en sécurité le petit shalah parmi les siens. Cela, il pouvait le faire. Après… Après… Il ne voulait pas penser à après.
Il aida le petit shalah à se remettre sur ses pattes et ils partirent tous les deux vers l’endroit où Liddie se rappelait avoir vu un grand troupeau de shalah.
Ils marchèrent longtemps se soutenant mutuellement. Le pas de Liddie devenait plus lourd au fil des heures et il perdait sa vigilance. L’attaque du cuttler fut foudroyante. Avant même de brandir son couteau, Liddie saignait de plusieurs morsures. Vaillamment, il fit face, protégeant le shalah. Il l’entendit grogner dans son dos et BOUM ! L’écorce explosa et le cuttler fut enfoui sous les gravats.
- « Je te remercie d’avoir protégé mon fils, petit homin ! »
Liddie sursauta. Se retournant, il se retrouva nez à dent avec le plus grand shalah qu’il ait jamais vu. Il leva la tête jusqu’à manquer tomber en arrière. Les longs poils étaient noirs et le shalah portait une couronne sur son dos. Tout le troupeau les avait enveloppés d’un écrin de paix.
La conteuse fait un petit aparté : Bien évidemment, vous savez tous que pendant Atysoël, les animaux et les homins peuvent se parler. Mais revenons à notre histoire.
- « J’ai au moins réussi ça, mais je n’ai pas retrouvé ma famille. »
Les larmes montèrent aux yeux de Liddie.
- « Ma famille a été enlevée. Je les cherchais quand j’ai trouvé ton fils.
- — Nous avons vu passer une troupe montée sur des mektoubs. Leur camp est plus loin. On y entendait des cris et des pleurs. Penses-tu que ta famille pourrait être là ? »
Liddie hocha la tête.
- « En général, je me tiens loin des homins et de leurs querelles, mais tu as prouvé ta valeur et le camp de ces homins sentait la peur. Grimpe sur mon dos ! »
Et le troupeau se mit en marche. Les shalah peuvent avancer vite quand ils le veulent. L’Écorce tremblait sous leurs pas et aucun carnivore ne tenta de s’interposer entre la vague déferlante et son objectif. Le grondement de l’écorce devenait toujours plus assourdissant alors que Liddie voyait se rapprocher le camp et des homins courir en tout sens. Le chef des esclavagistes tenta de masser ses troupes devant son camp mais la charge balaya toute résistance et bientôt le camp ne fut plus que ruines, les esclavagistes dispersés. Liddie sauta au bas de sa monture et courut vers ses parents. Les cris de joie résonnèrent alors dans tout le camp et les trykers célébrèrent la victoire des shalah sur leurs ravisseurs. Ils tressèrent des clochettes et des grelots dans les poils des shalah et dansèrent toute la nuit d’Atysoël. Et au matin chacun reprit sa route dans la joie.
La conteuse s’arrête et regarde l’assistance : J’aimerais dire que depuis ce temps les esclavagistes ont disparu et l’amitié des trykers et des shalah est restée vive, mais la réalité est toute autre. Pourtant la prochaine fois que vous croiserez Shalakan pensez-y et retenez vos armes le temps d’une caresse.